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Egalité de genres

Quelle Église voulons nous ? comment y parvenir ?

Quelle Église voulons nous ? comment y parvenir ?
(égalité femmes et hommes)
écrite par Maria Pau Trayner Vilanova du Col.lectiu de Dones en l'Església per la paritat

et traduite par Christiane Bascou de CELEM Chrétiens Et Libres en Morbihan, affilié à Parvis

Sans oublier la longue histoire des femmes dans l'Église, c'est le seul présent que veut envisager le collectif des femmes de cette Église; certes, il tombera bientôt à son tour dans le passé, mais nous le voyons comme un nœud stratégique d'orientation pour l'avenir .

1) Jésus : une attitude nouvelle envers les femmes
La manière dont Jésus a traité les femmes de son temps, quand on l'étudie dans la Bible, nous conduit à reprendre à notre compte, dans notre vie de tous les jours, cet exemple nouveau et alternatif, où nous, femmes, avons une place privilégiée
A un moment donné, nous avons pris la décision de vivre debout, de relever la tête, galvanisées par les paroles que Luc met dans la bouche de Jésus (Lc 13,17-19), face à la femme courbée sous le poids du rejet social et surtout religieux « Femme, lève toi ! »
Nous avons toutes ressenti au plus profond cet ordre sans appel .
Nous avons aussi en mémoire la parole qui nous est adressée dans le récit de la résurrection
« N'ayez pas peur- Allez leur dire »(Mt 28,5)
C'est donc debout et sans peur, que nous osons briser le silence et dénoncer la discrimination que font peser sur nous l'Église et la société.
A partir de cette expérience d'exclusion, notre lutte de libération prend sa source dans l' exemple de Jésus qui nous est montré comme une alternative pour l'avenir. Naguère objets d'oppression, nous sommes devenues sujets d'actions libératrices pour chacun et, grâce à la médiation de la Création constante de Dieu, Père/Mère, nous oublions la peur, nous exigeons la reconnaissance de nos actions, là où nous sommes, que ce soit dans le champ politique, économique, social ou religieux.
Selon les mots de Jean XXIII, nous sommes et voulons être un « signe des temps »
Trop souvent, les gens d'Église on opéré une lecture réductrice et biaisée du sens de la toute puissance de Dieu : eux qui se considèrent 'à l'image et à la ressemblance de Dieu' se sont auto-proclamés héritiers de la Sagesse, de la Puissance Divines et, du haut de cette prise de pouvoir, ont réduit les femmes à néant.
Ils ont confondu autorité et pouvoir, service et domination.


A cela il faut ajouter que les cas d'exclusion dans l'Église ne sont pas tous liés au genre : on trouve aussi des cas tout aussi violents d'exclusion sociale, ethnique, idéologique, des cas liés aux relations nord-sud, aux options affectives ou sexuelles.
Une telle attitude évoque une grave crise interne de foi et de surdité aux appels de l'Esprit.
On pourrait dire que l'église est une société en miniature: comme dans la société en général, les mouvements de protestation féministes et pour les droits humains y ont émergé partout dans le monde. Des mouvements, fondés sur des avancées anthropologiques, bibliques et théologiques, ont ouvert un chemin de changement, sans discrimination envers quiconque, et sans possible retour en arrière.
Vatican II avait ouvert portes et fenêtres, en permettant aux femmes l'accès aux formations théologiques , ce qui nous a donné la force de pénétrer des sphères jusque là inconnues de nous.

Pour autant, la vision androcentrée, plaquée sur la moitié féminine de l'humanité, continue à présenter un grave danger pour nous, les femmes.
Toutefois, la pression de la peur et de la marginalisation dont nous étions victimes nous a finalement poussées à réagir et à nous libérer. Il est temps pour nous de définir et d'établir qui nous sommes, qui nous avons le droit d'être, quelles sont les fonctions qui nous correspondent, en tant qu'êtres humains, dans la société civile et le monde ecclésial. Nous devons retrouver confiance en notre intégrité et, telles les femmes fortes et courageuses de l'Ancien Testament, nous saisir des signes des temps et répondre avec créativité aux situations nouvelles.
Les Évangiles attestent de l'attitude innovante de Jésus face aux femmes, démentie par le statut ecclésiastique et les pratiques du Magistère, qui, dans ce domaine, n'a pas imité le Maître, ni suivi ses traces .
Jésus a accueilli tous les êtres sans distinction, en égaux, ce qui s'est reflété dans la pratique du baptême par immersion pour les femmes comme pour les hommes, ce qui pour les mœurs de l'époque était une véritable révolution (dans les communautés juives, pour raison de décence, on avait recours à des ministres femmes pour le baptême des femmes).
L'attitude de Jésus, sa pratique et les caractéristiques du Royaume tel que Lui le dépeint, attestent du fait qu' hommes et femmes sont appelés à y entrer sur un pied d'égalité.
La nouveauté radicale de ce message a surpris ses ennemis comme ses propres disciples hommes, qui ont dès le départ gommé cet aspect révolutionnaire de la Bonne Nouvelle .
Jésus voyait les femmes différemment des gens de son temps, il les a appelées à tenir une nouvelle place, à jouer un nouveau rôle dans la communauté, les libérant ainsi des rôles traditionnels en les invitant à recevoir à part entière la Parole et le don du Royaume. Elles ont eu accès au baptême de l'Esprit Saint, au baptême par l'eau et à la table eucharistique, exactement comme les hommes (Actes1-2 cf 10,44 ; 11,17)
Nous ne devons pas trahir la confiance que Jésus a mise en nous en renonçant à ce qu'il veut que nous soyons. Il nous faut obéir à Dieu, pas aux hommes.

2) Actions concrètes et changements pour l'Église que nous voulons
Grâce à des femmes et des hommes pleins de bon sens, cette Église est déjà en devenir, non parce qu'une hiérarchie a décidé du changement, mais parce que le Peuple de Dieu en vit déjà.
Cependant, il faut bien admettre qu'on y arrivera plus vite si la hiérarchie accepte aussi le changement.

De quelle Église avons nous besoin?
Eh bien, pour le XXIè siècle, en tant que femmes, nous voulons une Église d'humanité , une Église qui humanise : un rassemblement de personnes reliées entre elles et à la création de façon non hiérarchique, horizontale. Une Église qui ne divise pas mais multiplie, qui ajoute au lieu de soustraire ; ouverte à tous, hommes ou femmes, accueillante et démocratique, qui entre en résonance avec leurs problèmes du quotidien et où la vie, avec sa richesse, mais aussi ses misères et ses différences, soit présente.

- Une Église de communauté et d'égalité (car sans communauté, il est impossible de maintenir des voies d'égalité), où hommes et femmes sachent interpréter les Écritures pour notre temps. Une église où les talents divers soient célébrés, vécus et partagés, et qui crée la communion dans l'acceptation de la différence. Une église pétrie de miséricorde, qui aime, pardonne, ne condamne pas. Et qui rende témoignage en actes du message de Jésus qui est libération, joie, espoir, vie, confiance, don désintéressé.
Nous n'exigeons pas une compréhension unilatérale, mais une égalité d'expression et des espaces de dialogue paritaire.

- Une Église dans le style du groupe autour de Jésus , où l'accent était mis sur la mission en référence à Dieu, au peuple et aux évènements. Une Église véritablement co-responsable, une communauté consciente des différents charismes de chaque homme, de chaque femme et qui, à partir de là, exige d'eux un service adapté, sans discrimination de nature sexuée, statutaire ou hiérarchique.

- A l'heure où le monde mise sur la participation commune aux institutions qui gèrent notre vie, il est temps de laisser tomber un modèle d'Église calqué sur un type de gouvernement - la monarchie absolue- complètement dépassé, pour revenir à notre héritage- nous sommes tous frères et soeurs- qui remonte bien plus loin que les démocraties et devrait les dépasser, selon Heinz Hanspeters « Nous avons besoin de co-responsabilité et de la participation de tous les baptisés »(extraits de Théologie -139 démocratie dans l'Eglise)

- Quand nous parlons de démocratie dans l'Église, ce n'est pas dans le sens 'un homme une voix' : c'est aller plus loin que le modèle politique, grâce à l'amour et à la générosité.
D'un autre côté, quand l'amour fait défaut, nous croyants sommes plus démunis que dans une démocratie ordinaire. Aussi, nous devons vivre, prier et nous aider les uns les autres comme dans une communauté de disciples égaux, réalisant les enseignements de Vatican II, qui reconnaît le Peuple de Dieu dans son ensemble comme « prophètes, prêtres et rois », ce qui dépasse largement les simples besoins des règles démocratiques ! L'amour doit avoir priorité sur des structures organisationnelles.

- Nous avons besoin d'une Église sans peurs, assez hardie pour briser toute résistance au changement, attentive aux signes des temps, qui s'occupe d'abord des pauvres, qui ne soit pas crispée sur ses autels, car le 'sacré ' dépasse de loin le sacramentel : nous devons revisiter le sens du sacré, le voir tel qu'il apparaît aujourd'hui par rapport à la manière dont Jésus l'a interprété en son temps  « Les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent, les lépreux guérissent, les sourds entendent, les morts se relèvent, les pauvres entendent la Bonne Nouvelle (Lc 7,22 ; Ie 26,19 ; 29,18 ; 35,5-6;61,1)

- une Église dont la structure ne repose pas sur la prêtrise, qui ne donne pas priorité à la division clercs (hommes) et laïcs (hommes ou femmes). La prêtrise actuelle, par ses aspects verticaux, renforce l'autoritarisme tout en excluant non seulement les femmes mais aussi les pauvres de par leur manque de formation théologique.

- Dans les nouveaux modèles d'Église, les femmes organisées en congrégations ne devront plus dépendre, comme c'est si souvent le cas, de prêtres de paroisse, d évêques ou de « supérieurs » d'ordres masculins, avec qui les heurts sont inévitables, surtout quand les sœurs travaillent sur des projets avec 'option préférentielle pour les pauvres', oeuvrant dans l'ombre parmi les personnes exclues de la société. Dans cette Église, personne ne devra être considéré comme un mineur perpétuel. Personne ne doit juger le travail auprès des 'plus pauvres', surtout pas les instances ecclésiastiques, qui sont coupées de la réalité de terrain.

- une Église qui ne fait alliance avec aucun pouvoir politique ou économique : car cela mène, entre autres, à la perte du pouvoir prophétique et de l'autorité morale envers les pauvres et les milieux progressistes, qui ne se sentent pas représentés quand leur évêque fraye avec les puissants.

En résumé, nous avons besoin d'une Église de ministères au lieu d'un Église hiérarchique et cléricale, et le mot qui exprime le mieux son action pastorale serait non pas « pouvoir » mais « diakonia ».
Un lieu où toute femme ou homme baptisé puisse accéder au ministère correspondant au service à la communauté des croyants. Comme prérequis à ce service, suivre Jésus pour enseigner, sanctifier, servir l'Église et la société, en tant que filles et fils de ce Dieu Bon qui demeure parmi nous.

- Une Église où chaque communauté puisse célébrer l'eucharistie dans la joie, au lieu d'être privée de ce droit parce qu'une tradition de mâles en a décidé ainsi, et où nous, femmes soyons pleinement intégrées en tant que participantes dans notre vie ecclesiale, au lieu d'être de simples spectatrices résignées ;
Et ce en restreignant le pouvoir du clergé ( du temps de Jésus, ces dangers existaient déjà : Mc 7,1-13 ; Mt15, 1-20) .

Que pouvons nous faire pour y parvenir ?
A l'origine, nous les femmes annoncions la Bonne Nouvelle de Jésus. Mais au cours des premiers siècles, nous avons disparu, nous sommes devenues invisibles et privées de parole.
Aujourd'hui, nous pouvons, nous savons lire la Bible, nous refaisons surface pour faire des propositions :

- Au niveau individuel
Il est important que nous réalisions, avec humilité mais résolument, que nous avons des droits au vu du travail que nous effectuons au service de l'église dans les communautés chrétiennes (nous prenons en charge 80% du travail en tant que bénévoles, catéchistes, dans les mouvements Caritas, l'enseignement religieux dans les écoles, l'entretien des bâtiments d'église....) et en particulier le droit d'exprimer notre vision des choses dans les domaines où nous intervenons.

- Au niveau des structures de l'église
Inviter tous ceux qui le peuvent à intervenir dans les différents ministères au niveau des paroisses, des conseils pastoraux, des mouvements d'action chrétienne, des communautés etc, pour devenir des éléments positifs, avec des idées et des pratiques visant à changer les choses à partir de la base, en remontant vers le haut de cette pyramide dogmatique qu'est l'institution.

- Au plan idéologique
Il nous faut respecter la pluralité des options dans l'Église. L'Église du Peuple de Dieu présente de façon inhérente une grande variété d'options. Il y a de nombreux courants dans la pratique chrétienne et personne n'a le droit de juger de leur bien-fondé. Il faut rejeter autant que possible les idées préconçues, en s'attachant à soutenir tout changement qui rapprochera l'Église de Jésus de Nazareth.

- Au plan politique et ecclésiastique
Toute organisation humaine, pour avoir un minimum d'efficacité, nécessite un cadre et quelques personnes inspirées pour conduire et stimuler le mouvement. Toutefois, ces personnes doivent faire profil bas et écouter les voix de la communauté avant de prendre des décisions, en se gardant d'imposer leurs critères sans dialoguer ni prendre en compte ce qui affecte les gens aujourd'hui.

Rejeter le centralisme, redonner par la chaleur humaine de la force aux petites communautés, où chacun connaît l'autre par son nom et où les animateurs, hommes et femmes, savent écouter qui que ce soit sans protocole ni différences de statut, peu chrétiennes et humiliantes.
Pour ce qui est de l'organisation ecclésiale, il faut qu'à des postes importants soient élues, par les petites communautés et pour un temps déterminé, des personnes qui devront être un jour remplacées, pour des raisons de service évangélique et jamais pour des questions de pouvoir .
Il serait donc préférable de n'avoir aucune nomination à vie.

Sachons aussi faire valoir notre opposition de façon intelligente, lucide, valable... sans jamais nous lasser de déclarer ouvertement ce que nous pensons, quelles que soient les circonstances, car seul Dieu est sacré et nous ne devons nous laisser impressionner par personne, ni par un habit, sacerdotal ou autre, quel que soit son faste. Du respect, toujours, de la soumission, jamais.
Bien que Jean Paul II ait demandé pardon aux femmes pour toutes les injustices commises à leur égard par des hommes d'église au cours des siècles, nous ne sommes pas obligées d'accorder ce pardon tant que les faits ne viennent pas attester du travail d'amendement et des résultats concrets pour qu'on reconnaisse que nous, femmes, sommes créées à l'image et à la ressemblance de Dieu.

- Au niveau de la communauté
Visez à instaurer un roulement au niveau des postes de responsabilité, afin que chacun se sente responsable de l'ensemble de l'organisation. Que personne ne s'accroche à un poste, que chacun développe les facettes de sa personnalité de façon harmonieuse, pour les mettre à la fois au service de l'Église et de la société civile.
Ce type de fonctionnement pourrait être une alternative aux paroisses en manque de rénovation.
En d'autres termes, être le levain dans le monde.

Nous prenons note du fait qu'à la base, les chrétiens sont en marche depuis longtemps, mais que , malheureusement, l'institution a du mal à entériner le changement.
Nous devons nous dépouiller de toute peur pour ouvrir la porte à l'espoir.

Les femmes sont, sur toute la terre, une zone fertile pour l'Esprit, qui agit avec nous et en nous.

M Pau Trayner Vilanova
du collectif des femmes en Eglise pour la parité

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