'GESTATION PAR AUTRUI"

Synthèse rédigée par Fernand Jehl, le 31 août 2016 sur les résultats de la consultation faite para François Becker aux associations-membres du Réseau Européen Eglises et Libertés

Réseau européen Eglises et libertés ( E N R E )
Secrétaire général : François Becker
Représentant à la Conférence des OING du Conseil de l’Europe : Fernand Jehl
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François Becker a demandé que l’avis qui sera transmis aux rédacteurs de la recommandation fasse part de la diversité des positions des associations-membres et que cette diversité apparaisse d’une façon ou d’une autre, dans le texte final de la recommandation.

A. Pour la plupart des associations, le texte de la recommandation apparait bien équilibré. En effet, plusieurs d’entre elles, sont opposées à la GPA. On peut cependant noter des nuances sur le principe d’exceptions possibles. Une association est favorable aux exceptions dès lors qu’elles permettent de prendre en considération des situations exceptionnelles. D’autres redoutent ces entorses. Le constat de la méconnaissance du sujet est néanmoins fréquent.
B. Un deuxième groupe d’associations part du constat qu’il n’y a pas d’unanimité sur la question. Le sujet n’a pas réellement fait l’objet de discussion. Ces associations préconisent l’organisation d’une large consultation et l’évaluation des situations concrètes. Quelques points font l’objet d’un consensus fort :


La GPA doit être gratuite
Les conditions de la naissance doivent être fournies à l’enfant, l’enfant a le droit de connaître ses origines et par exemple, l’identité des donneurs de gamètes.
Le cas particulier de la mère porteuse d’un embryon issu de son propre ovocyte impose un examen spécifique
La nécessité de prendre en considération le vécu psychique du fœtus et le rôle essentiel de la mère porteuse. Ce rôle ne peut se réduire à une prestation de service, contractualisée et définie dans des termes financiers.
La reconnaissance d’un droit à l’adoption reconnu aux couples homosexuels et aux célibataires.
C. Une troisième tendance ne s’arroge pas le droit de refuser la GPA mais attire l’attention des rédacteurs /rédactrices sur le fait biologique qu’il faut un patrimoine et un matrinoine pour donner la vie et qu’une personne ne peut engager, à elle seule, l’avenir d’un enfant.
D. Un des membres du bureau du ENRE, participant à la Conférence des OING, a demandé au secrétaire général du ENRE d’adresser directement aux rédacteurs/rédactrices de la recommandation ses propositions. Elles se résument dans les termes de la conclusion, reproduits ci-dessous :
Consciente de la complexité de la question et de la diversité des sensibilités nationales, la conférence des OING, recommande:
1) de laisser chaque pays définir ses règles en matière de GPA dans un cadre législatif protecteur sur la base des principes éthiques universels du consentement libre et éclairé, de l'équité et de l'absence de malfaisance.

2) que chaque pays qui n'a pas légalisé la GPA organise un débat citoyen qui donnerait notamment la parole à des femmes (d'autres pays) ayant apporté une aide à un couple pour avoir un enfant et à des enfants adolescents ou adultes nés par GPA.

D’autre part, elle souligne l’importance d’établir des outils législatifs internationaux pour permettre la reconnaissance directe de la filiation des enfants nés par GPA et de mettre ainsi fin aux situations de discriminations qu’ils peuvent subir.

 

Gestation pour autrui - GPA

Projet originel de la Conférence d'OING consulté aux groupes membres:

Définition
Profuse, la littérature présente la gestation pour autrui (GPA) comme méthode de procréation pratiquée en cas d’infertilité féminine liée à l'absence d’utérus (syndrome de Rokitansky-Küster_Hauser ou MRKH), à sa malformation ou à la suite de son ablation chirurgicale (hystérectomie).

La mère porteuse porte l'enfant d'un couple qui a fourni ses propres embryons. Elle ne fournit habituellement pas de contribution génétique, c'est-à-dire d’ovule, mais prend en charge le développement in utero de l'embryon et, à la naissance, remet l'enfant à la ou aux personnes qui l'ont commanditée, aussi appelés « parents d’intention».

Plusieurs cas de figure sont possibles. Les parents d'intention peuvent être aussi les pères et mères génétiques de l'enfant si le couple n'a pas eu recours à un don de gamètes  (ni don d’ovocyte, ni don de sperme) ou bien s’ils n'ont qu'un lien génétique partiel (recours à un don de sperme ou d'ovocyte) ou nul avec l'enfant.

Le vocabulaire employé pour nommer la mère porteuse varie : elle est parfois aussi appelée « mère de naissance » ou simplement « mère » lorsque le droit s'appuie sur le principe que la mère est celle qui accouche.

Le terme « gestation pour autrui » est lui-même débattu, certains préférant parler de maternité pour le compte d'autrui ou de recours à une mère porteuse, en fonction du regard porté sur cette pratique sociale.

Considérants

1. Dans l’espace paneuropéen, les législations nationales diffèrent grandement :
la Belgique, le Danemark, la Hongrie, la Pologne, l’Irlande, le Luxembourg et les Pays Bas n’interdisent pas la gestation pour autrui.
l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, la France, l’Italie et la Suisse, l’interdisent strictement.
La Géorgie, la Grèce, le Royaume-Uni, la Roumanie, la Fédération de Russie et l’Ukraine l’autorisent.
Pour mémoire, 6 Etats membres du Conseil de l’Europe ont signé mais pas ratifié la Convention d’Oviedo ; 29 l’ont ratifiée et aucun Etat non membre ne l’a signée ni ratifiée.

La diversité des législations n’induit en soi d’alignement.

2. Très controversée, la GPA suscite des réactions souvent opposées entre elles, toujours étanches les unes par rapport aux autres. Elle met en tension des questions d’éthique dans de multiples domaines :

Philosophie morale ;
Beaucoup de personnes hésiteraient face à la question ‘’le feriez-vous, vous-même ?’’ Pour autant, les couples en situation de potentiel recours à une GPA, par exemple à la suite d’un cancer, font l’expérience d’une injustice et se lamentent du manque de générosité sociale.

Le droit des femmes à disposer librement de leur corps lorsque la GPA est librement consentie vs l’asservissement organisé des femmes lorsqu’elles y sont contraintes pour des raisons essentiellement économiques. Les situations d’asservissement violent l’exercice du consentement libre et éclairé et contreviennent à l’article 4.11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Anthropologie du corps ;
Le droit des femmes à disposer librement de leur corps, donc à être volontairement gestatrices pour autrui ne préjuge pas de qui a autorité sur le contrôle du corps de la gestatrice ; particulièrement en cas d’échecs répétitifs des grossesses ou en situation d’urgence médicale au moment de la délivrance.

Sociologie de la famille ;
La légitimation des multiples modalités de vie de couple hors mariage et l’augmentation du nombre de familles recomposées, marquent le dépassement de la conception romaine qui instituait mère celle qui accouche et père celui que les noces ont désigné. Les couples touchés par l’infertilité féminine liée à l'absence d’utérus (syndrome de Rokitansky-Küster_Hauser ou MRKH) recourant à la GPA font valoir, en toute bonne foi au titre des libertés individuelles garanties par la démocratie, leur engagement par anticipation à faire entrer l’enfant dans le monde humain et dans l’histoire familiale par leur système de parenté.

Droit de l’enfant ;
Le statut de l’enfant peut être mis en cause s’il s’avère que le couple commanditaire ne peut recevoir l’enfant en cas de survenue de handicaps ou de décès des parents d’intention ou de circonstances déliant le couple.

De même, le devenir de l’enfant s’avère tout à fait incertain lorsqu’il ne correspond pas à ‘’la commande’’,  qu’il s’agisse seulement de la couleur des yeux ou d’un handicap particulièrement lourd ; en pareille circonstance, les garanties énoncées par l’article 1er2 de la Convention d’Oviedo sont bafouées.

3. Le statut inférieur des gestatrices comparativement à celui des couples d’intention met en cause d’une part l’égalité des personnes, d’autre part leur égale dignité du simple fait de cette hiérarchisation, contrevenant ainsi aux conventions internationales relatives aux droits de l’Homme.

4. La légalisation de la GPA au Royaume-Uni n’empêchant pas les GPA illégales témoigne du fait que les transactions financières relèvent davantage de la tractation, du marchandage, que de la transaction.

5. Les gestations répétitives pour autrui contre paiements deviennent une activité d’orientation professionnelle en violation de l’article 213 (chapitre VII) de la Convention d’Oviedo.

6. Le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) français signale que : « L’expérience de la Grande-Bretagne montre que l’existence d’un système légal et sécurisé de GPA n’a pas mis fin à des formes clandestines non médicalisées, ce qui n’est pas surprenant. L’admission d’exceptions, à quelque niveau que l’on place le curseur, maintiendrait dans l’illégalité les couples qui ne sont pas dans son champ, soit parce qu’ils sont composés de personnes de même sexe, soit parce que la femme n’est pas atteinte des pathologies dont la société a décidé qu’elles justifient leur prise en charge par une GPA. »

7. Le principe de la liberté des femmes à disposer de leur corps ne protège pas les parturientes de la mortalité maternelle, des pratiques clandestines d’indemnisations, des chantages pouvant résulter d’échecs répétés de la grossesse.

8. Il existe dans la société européenne une demande croissante d’autonomie quant aux choix de vie individuels. Au demeurant, l’article 21 de la Convention d’Oviedo dispose : « Le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit».

9. Il n’est pas encore possible d’évaluer sur un échantillon représentatif les conséquences psychiques à long terme pour l’enfant. L’inscription à l’état civil d’enfants nés de GPA pratiquées dans d’autres pays devrait permettre progressivement d’éclairer cette question4.

10. Tout en reconnaissant la légitimité de la demande d’enfant par des couples ne pouvant pas en avoir, le législateur doit prendre en grande considération les risques de déviances dont les femmes économiquement vulnérables peuvent être victimes5 et les conséquences à court et moyen terme notamment lorsque des difficultés particulières surviennent pendant le processus de procréation et de gestation.


Proposition de déclaration

Pour toutes ces raisons, la Conférence des OING prononce un avis défavorable à la légalisation de la gestation pour autrui.

Néanmoins, consciente de la grande variété des situations particulières rencontrées parmi la population et se tenant à bonne distance d’un conflit supposé entre liberté et dignité, la Conférence des OING recommande que pour des cas très particuliers et sous des conditions très précises, des exceptions parfaitement encadrées à la prohibition soient accordées.


Rappel du cadre organisationnel :


L’Assemblée plénière de la Conférence réunie le vendredi 24 juin 2016 a validé le projet de rédaction d’un texte sur la GPA. Un trio de rédacteurs est chargé du suivi de ce projet.

Le texte ci-dessus constitue un premier projet adressé début juillet 2016 à toutes les OING de la Conférence.

Les OING sont invitées à adresser leurs observations et contributions au trio de rédacteurs jusqu’au plus tard le 31 août 2016.

Les rédacteurs reformulent le texte et soumettent la nouvelle mouture à la Commission permanente qui se réunira le lundi 10 octobre 2016.

Un projet final sera alors soumis aux OING pour approbation à la session de janvier 2017.


Rédacteurs

Anne Nègre This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.
Thierry Mathieu This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.
Michel Aguilar This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.